Déchiffrage à la guitare et à la basse : Tour d’horizon et mini Tutoriel
Disons-le tout net, le déchiffrage à la guitare est bien souvent considéré comme un cauchemar par les jeunes guitaristes! En effet, celui-ci est bien souvent considéré comme un obstacle quasi-insurmontable. Force est d’admettre qu’apprendre à lire à la guitare ou à la basse est à la fois compliqué et ne fera de vous ni une vedette ni un virtuose. Alors quels arguments pourraient justifier de tels efforts? les avantages à investir dans cet apprentissage sont, en effet, tout à fait considérables.
D’ailleurs, le guitariste et compositeur John Mc Laughlin a écrit ceci « What i would recommend to guitar players is that they need to read music. Guitar players are notorious about not reading, but music is your personal language, you need know how to read it and to write it.
Le déchiffrage à vue…Pour quel usage?
– Assurer tous les jobs sur lesquels la lecture courante est requise (orchestres, comédie musicale, studio, tout arrangement écrit,…)
– Assurer un remplacement de dernière minute
– Jouer plus facilement dans plusieurs groupes
– Monter des programmes rapidement et efficacement
– Communiquer avec les autre musiciens
– Etre apprécié et respecté en tant que professionnel compétent
- Gagner énormément de temps en toutes circonstances
Mais aussi, et d’abord :
– Bien connaître son instrument
– Étudier efficacement
– Lire beaucoup de musique afin de se cultiver
– Se faire un répertoire
– Profiter au maximum d’un langage mondialisé
A la vue de tant d’avantages, l’on constate que renoncer à l’apprentissage de la lecture à vue, c’est se priver d’un outil de travail d’une importance stratégique, surtout lorsque l’on envisage de faire de la musique son métier. Etre lecteur est devenu une compétence incontournable pour le musicien professionnel.
Le déchiffrage à vue… Comment?
– Avec de bonnes techniques de travail passant par l’étude d’un matériel structuré et progressif
– Par l’acquisition d’une pratique le plus possible quotidienne, régulière et sur une période suffisamment longue.
- Au moyen d’une bonne focalisation sur votre pratique (éloigner portables, ordinateurs et réseaux sociaux, toute distraction en général)
- En étant curieux, lisez tout ce qui vous tombe sous la main, visitez les magasins de partitions
– Sachez découvrir que la lecture devient un plaisir à partir d’un certain niveau de pratique
Quelques informations et conseils généraux :
Dans l’apprentissage du déchiffrage à la guitare, l’empirisme n’est pas de mise! Les doigtés doivent être rigoureux et toujours les mêmes pour ne pas perdre un temps précieux dans l’apprentissage. Cela permet, en effet, une mémorisation efficace, rationnelle et beaucoup plus rapide des notes sur le manche. Ensuite, cela va permettre d’apprendre à ne plus regarder ses doigts! C’est en effet indispensable pour pouvoir regarder la partition de façon continue, en diminuant ainsi énormément le risque d’être perdu dans la musique et de devoir s’arrêter. Enfin, avec des doigtés bien travaillés, le pourcentage d’erreurs dans le jeu tend à s’approcher de zéro; un atout non négligeable.
En effet, nous parlons ici de déchiffrage à vue. Dans la quasi-totalité des contextes professionnels, il est impossible de s’arrêter une fois le morceau lancé. Par conséquent, le lecteur doit être capable de suivre la musique sans s’arrêter ni se perdre, tout en sachant rattraper ses éventuelles erreurs.
C’est une contrainte énorme qui justifie à elle seule, une technicité certaine, acquise par un apprentissage organisé, assidu, et suffisamment long (de l’ordre de 2 ans ou davantage, selon niveau et motivation de l’instrumentiste). C’est en tout cas celui que nous avons mis au point à l’IMEP depuis de nombreuses années. C’est une matière très technique que vous pouvez bien sûr apprendre seul, si vous avez beaucoup de volonté et êtes très organisés, mais dans la vraie vie, cela reste une gageure! Voyons pourquoi, et faisons un peu le tour du problème…
Organisation des doigtés et positions de lecture sur le manche
Sur un clavier, les notes sont visuellement classées du grave à l’aigu de façon symétrique. Ce n’est pas le cas de la guitare ou de la basse dont les notes sont éparpillées de façon complexe sur les différentes cordes. Cela génére un joyeux désordre qu’il convient de structurer et organiser si l’on veut pouvoir avancer. Une même note peut-être jouée à plusieurs endroits sur l’instrument, et doigtée différemment, générant autant de points de départ potentiels. Pour un même texte musical, de nombreuses variantes sont donc possibles. Il peut s’agir du doigt de départ qui est différent, ou du groupe de cordes employé, ou encore si l’on a recours à des démanchés ou pas.
Ces différentes combinaisons devront être étudiées et mises en oeuvre en fonction du contexte musical (ambitus de la mélodie, tonalité, départ-arrivée de la phrase musicale, jeu plus facile à un endroit plutôt qu’à un autre, qualité du timbre selon la position employée, usage ou non de cordes à vide,…)
Différentes approches…
Il existe différentes approches du déchiffrage à vue. Un consensus s’est établi pour dire qu’il est préférable en général, de démancher le moins possible pour ne pas avoir à regarder ses doigts et rester visuellement sur la partition. Pour cela, d’aucuns préfèreront travailler un nombre limité de positions génériques au sein desquelles l’on s’efforce de tout jouer, accidentelles comprises sous forme d’extensions (guitaristes uniquement).
Une autre approche que je favorise personnellement (sans exclure les autres approches), consiste à utiliser les capacités transpositrices de l’instrument en déplaçant des doigtés toujours similaires en fonction des tonalités.
Pour illustrer cela, prenons n’importe quel accord joué en barré et sans cordes à vide, un accord de F par exemple (notation américaine), joué en barré 1ere case. Si l’on déplace symétriquement cet accord en case II, celui-ci s’appellera F# ou Gb, En case III, il s’appellera G, en case IV, Ab, etc… Il en va de même pour tout doigté de gamme sans corde à vide, qui peut ainsi être reproduit symétriquement dans n’importe quelle position sur le manche, changeant de tonalité au passage.
Stratégies de modulation
Il suffira alors de choisir des doigtés confortables et de les transposer en fonction des tonalités. Par exemple, jouer une gamme de Sol majeur en 2ème position dans tout le registre accessible (index en case II, donc en partant du Fa#, jusqu’au A aigu, corde de E, case V), permettra de jouer en Lab majeur en position III ou en La majeur en position IV. Dans ce système, chaque doigt jouera toujours le même degré de la tonalité et aidera à connecter mémoires graphiques, sensorielles et auditives. Ce système permet de relier une logique tonale à une logique instrumentale grâce à un même mécanisme transposé sur toutes les positions de l’instrument.
Organisation de l’espace de travail
Assis confortablement, placez si possible le pupitre sur votre gauche (si vous êtes droitier). Ainsi, le manche et votre main gauche seront dans votre champ visuel, et ce sera une aide appréciable pour effectuer tout démanché éventuel quasiment sans quitter la partition du regard.
Contraintes à maîtriser et méthodologie :
– Choisissez un matériel facile, très en-dessous de votre niveau de jeu pour vous aider à roder le processus. Vous augmenterez la difficulté par la suite
– Solfiez le rythme avec un métronome réglé suffisamment lent pour parvenir à une lecture sans arrêt.
– Attention aux erreurs de métrique, qui sont les plus fréquentes et aux conséquences les plus gênantes! En effet, oublier ou ajouter un temps dans votre lecture a pour conséquence désastreuse de vous décaler par rapport aux autres musiciens!
– Pour travailler cela, utilisez un métronome avec un son différent sur chaque 1er temps et/ou mieux, comptez vos temps à voix haute : 1 et 2 et 3 et 4 et 1,…. Les avantages de cette technique valent plus de mille fois le poids de la contrainte ajoutée, c’est l’expérience qui parle!
– Ensuite, déterminez la position de lecture appropriée sur l’instrument et jouez/repérez à votre rythme les notes en « vrac » sans vous soucier des valeurs et du du tempo.
– Une fois ces deux étapes suffisamment maîtrisées, tentez une lecture au métronome, associant notes et rythme, du début à la fin, sans vous arrêter en essayant de rattraper vos erreurs ou « trous » éventuels en préservant par dessus tout, la métrique.
– Si cela ne fonctionne pas, reprenez les étapes précédentes.
choix du matériel
Un matériel trop complexe ne convient pas aux premiers mois d’étude. Il faut démarrer sur du matériel facile, voire très facile. Cela vous permettra de mettre en place vos techniques de comptage et de positions.
Ensuite, il faudra apprendre à scanner rapidement et à l’avance les difficultés contenues dans de nouvelles partitions, souvent plus complexes, en anticipant des stratégies de lecture. cette étape deviendra de plus en plus efficace et rapide avec l’expérience.
Bonne pratique à tous.
François Fichu, Guitar Instructor, IMEP • Paris College of Music © 2019